« Chanson à
boire », datée d'avant 1642 par Maurice Cauchie, chef d'œuvre
du genre : mètre impair (13 pieds), évocation du marquis de
Cinq-Mars (mis à mort après une conspiration), et même éloge
du marquis exécuté, verve exceptionnelle, exubérance, memento
mori, animalité, métamorphose,
humour, valeurs guerrières et trivialité de
l'ivresse mises au même niveau dans une dé-hiérarchie morale, ce poème est un chef-d'oeuvre en soi.
Que
de biens sur la table
Où
nous allons manger !
O le
vin delectable
Dont
on nous va gorger !
Sobres,
loin d'icy ! loin d'icy, beuveurs d'eau bouillie !
Si
vous y venez, vous nous ferez faire folie.
Que
je sois fourbu, chastré, tondu, begue-cornu1,
Que
je sois perclus alors que je ne boiray plus.
Monstrons
nostre courage :
Beuvons
jusques au cou.
Que
de nous le plus sage
Se
monstre le plus fou.
Vous,
qui les oisons imitez en vostre breuvage,
Puissiez
vous aussi leur ressembler par le visage.
Etc.
Et
d'estoc & de taille
Parlons
comme des foux ;
Qu'un
chacun crie & braille :
Hurlons
comme des loups.
Jettons
nos chapeaux & nous coiffons de nos serviettes,
Et
tambourinons de nos cousteaux sur nos assiettes.
Etc.
Que
le vin nous envoye
D'agreables
fureurs !
C'est
dans luy que l'on noye
Les
plus grandes douleurs.
O
Dieu ! qu'il est bon ! prenons en par dessus la teste ;
Aussi
bien, chez nous, vomir est chose fort honneste.
Etc.
Hastons
nous de bien boire
Devant
qu'il soit trop tard,
Et
chantons à la gloire
Du
Seigneur de Cinq-Mars :
Il
est beau, vaillant, courtois, prend plaisir à despendre :
Tel
fut autrefois defunt Monseigneur Alexandre.
Etc.
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1 ~ Je
reprends la note de Cauchie : « Pour becque-cornu
(travestissement de l'italien becco cornuto),
qui signifie cocu.
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